A São Paulo, le système "D" contre la sécheresse
#MA PLANÈTE INFO par Benjamin
Illy mercredi
31 décembre 2014 11:34
Edison Urbano, l’inventeur du système « Cisterna Jà » © RF /
Benjamin Illy
En vue du "sommet Climat" qui se tiendra à Paris fin 2015, toute l'année,
France Info mettra en avant les solutions, à petite ou grande échelle,
pour préserver notre environnement. Aujourd'hui, direction le Brésil, et
plus précisément la mégapole de São Paulo qui a soif !
La région de São Paulo, au sud-est du Brésil, subit la pire sécheresse
des 80 dernières années. São Paulo connait un problème chronique de
sécheresse liée à la hausse des températures et à la disparition des
forêts qui ne retiennent plus l'eau de pluie. La situation est grave, la
ville pourrait bientôt être privée d'eau courante. Mais là-bas, un
inventeur écolo un peu fou vient de lancer un mouvement citoyen : "Cisterna
Jà" ! Son idée : que chaque foyer ait sa propre mini-citerne pour
recueillir l'eau qui tombe du ciel.
A São Paulo, presque 12 millions d’habitants, parfois c'est l'eau qui ne
coule plus au robinet, même dans les secteurs les plus touristiques de
la ville, comme dans ce café branché du quartier central de Villa
Madalena. Sa gérante, Isabela Raposeiras : "On
a eu des coupures d'eau ici, sans être prévenus ! On a été à deux
reprises dans cette situation ces derniers mois, avec à chaque fois,
deux jours de coupure !! On a dû fermer la boutique ! Je suis très
préoccupée. Parce que 98 % du café, c'est de l'eau. Alors cette
situation est très inquiétante pour mon commerce".
Un café branché du quartier central de Villa Madalena à São Paulo ©
RF / Benjamin Illy
Un barrage qui menace l'approvisionnement en eau de São Paulo
L'approvisionnement en eau de São Paulo est menacé parce que son
gigantesque système de barrage, le plus imposant du Brésil, est bientôt
à sec. Maru Whately, militante écologiste et porte-parole de l'Alliance
pour l'Eau :"En
ce qui concerne le système de barrage de Cantareira – le plus grand de
tous – on est depuis mi-2014 en train de prélever de l'eau de ce qu'on
appelle "le volume mort" !! En juillet 2014, on avait épuisé toute l'eau
du système, son "volume utile". Depuis, on utilise le volume mort. Et
l'eau du volume mort ne devrait pas être utilisée pour la consommation.
Si on considère ces volumes, on a seulement 60 jours de réserve d'eau
devant nous... S'il ne pleut pas".
Recueillir son eau de pluie, une solution écolo et bon marché
Et comme la pluie se fait rare, certains citoyens se mobilisent. C'est
le cas d'Edison Urbano, technicien agronome de 55 ans, tee-shirt de
surfeur et basket, un air juvénile, une fibre écolo, inventeur
débrouillard et génial. A l'automne dernier, il a lancé un mouvement qui
réunit plusieurs centaines de personnes : le mouvement "Cisterna Jà !"
qu'on peut traduire par "Une citerne Maintenant" ! Sur internet, il a
mis en ligne un mode d'emploi pour faire sa propre mini-citerne destinée
à recueillir l'eau de pluie. Il donne même des cours parfois en Haïti,
parfois à São Paulo et souvent gratuitement.
Edison Urbano nous a accueillis chez lui, dans le quartier populaire de
Ipiranga, à São Paulo. Il a fait de sa maison son "laboratoire
vivant" comme il dit, avec notamment des bouteilles de plastique
reconverties en jardin suspendu. Il fait même pousser des salades !
Dans cette maison de bric et de broc, tout est fait pour épargner les
ressources naturelles, ici l'eau coule un minimum. Et surtout, elle est
recyclée : par exemple, l’eau de la douche passe par un tuyau et
atterrit dans la chasse d’eau des toilettes.
Dans la cour de Edison Urbano, l’inventeur du système « Cisterna Jà
» © RF / Benjamin Illy
Mais le cœur du système c’est la mini-citerne : pas chère, 45 euros, à
faire soi-même, les matériaux sont basiques, la construction d'une
mini-citerne ne demande qu'un peu de temps et de motivation. Très
efficace, elle permet de filtrer l'eau de pluie qui passe des gouttières
aux tuyaux jusqu'au réservoir.
"Je fais ça depuis 10 ans et j'ai réduit de 30% ma consommation d'eau
courante"
Un dispositif minutieux et simple à la fois, l'aboutissement d'une prise
de conscience pour Edison Urbano, ça remonte à 10 ans : "J'ai
eu de gros problèmes financiers. On m'avait volé ma voiture que
j'utilisais pour travailler. Alors je ne gagnais plus d'argent. Du coup,
j'ai commencé à chercher des solutions pour faire des économies. J'ai
analysé tous ce que l'on consommait à la maison. Et j'ai vu qu'une
famille de 4 personnes consommait 6000 litres d'eau par mois. Ca m’a
choqué ! C'est à ce moment-là que j'ai décidé de profiter de toute l'eau
de pluie qui tombait sur ma maison. Ca a marché ! Ca fait dix ans que je
fais ça et j'ai réduit de 30 % notre consommation d'eau courante, c'est
une grosse économie pour moi. Et si ce mouvement est né, c'est pour
sensibiliser et réveiller les populations. Pour faire vraiment de
grandes économies, pour épargner nos réserves".
Des politiques publiques inadaptées
Edison Urbano fait un rêve, celui que tous les foyers de São Paulo
soient équipés d’une mini-citerne, mais il se heurte aux politiques
publiques, une politique de grands travaux soi-disant écolos, avec
quelques arrières pensées en espèces sonnantes et trébuchantes : "Je
n'aime pas parler de politique... parce qu'après on me tombe dessus !" lâche
Edison Urbano.
"Mais il faudrait avoir plusieurs mouvements de ce genre pour préserver
les sources, les rivières, faire de la reforestation et ce n'est pas
d'actualité ! Ici, pour résoudre les problèmes, les responsables
promettent des ouvrages pharaoniques, ils font circuler énormément
d'argent, beaucoup de personnes en touchent mais ils oublient ce qu'on a
déjà ! Naturellement !".
Reportage de Benjamin Illy à São Paulo
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